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Zambie – Restructuration de la dette

Contexte 

Après avoir fait défaut en novembre 2020, la Zambie est en train de finaliser la restructuration de sa dette. Le  gouvernement est notamment parvenu le 11 juin dernier à restructurer les eurobonds. 


Actualités 


Cadre général de la restructuration 


La restructuration engagée par les autorités zambiennes en 2021 concerne la dette publique extérieure uniquement,  hors créanciers multilatéraux qui bénéficient pour la plupart du statut de créanciers privilégiés (compte tenu des  conditions concessionnelles de leur prêts). Le pays est parvenu en février 2024 à signer un accord de restructuration avec ses créanciers bilatéraux/officiels sur l’équivalent de 6.3 Mds USD de créances. Pour rappel, la Zambie a engagé  son processus de restructuration dans l’architecture du Cadre Commun. Sous l’égide du G20, ce cadre a pour objet  d’assurer : 

i) une large participation des créanciers officiels, qui ne faisaient pas auparavant partie du processus établi par  le Club de Paris en parallèle des créanciers privés  

ii) un partage équitable du fardeau entre tous les créanciers avec le principe de comparabilité de traitement (en  d’autres termes, le pays débiteur se doit d’obtenir des conditions comparables d’allègement de sa dette  auprès de l’ensemble des créanciers, quel que soit leur nature). 


L’objectif de la restructuration vise en l’occurrence à ramener le risque de surendettement de la Zambie à un niveau  modéré à moyen terme. Sous les critères définis par le FMI, cela signifie concrètement ramener le ratio service de la  dette à 14% des revenus et le maintenir à ce niveau au cours de la période 2026/31, et faire baisser le ratio de la valeur  actualisée de la dette publique à moins de 140% des exportations ou 30% du PIB. Ces critères sont définis sur la base  d’une capacité d’endettement (Debt Carrying Capacity ou DCC) actuellement considérée comme faible (cf. échelle et  indicateurs ci-dessous), d’après la dernière analyse réalisée en octobre 2023 par le FMI.



Restructuration des eurobonds Conformément aux ratios que le pays ambitionne d’atteindre, le gouvernement est parvenu mi-juin à un accord et a  procédé à l’échange de ses eurobonds dont le service était suspendu depuis novembre 2020 : • Zambia 5.375 20/09/2022 : 750 Mns USD 

  • Zambia 8.5 14/04/2024 : 1 Md USD 

  • Zambia 8.97 30/07/2027 : 1.25 Mds USD 


L’échange a été effectué contre deux nouveaux titres arrivant à échéance respectivement en 2035 et 2053 : • Zambia 5.8 30/06/2033 (Bond A) : 1.7 Mds USD  

Zambia 0.5 31/12/2053 (Bond B) : 1.36 Mds USD 


L’accord inclut des améliorations dans les conditions de remboursement avec un étalement des échéances de  paiement en principal qui diffèrent des précédentes obligations et une baisse du montant des coupons qui permet  une économie sur le service de la dette de l’ordre de 2.5 Mds USD jusqu’à la fin du programme FMI. Il diffère de celui  des créanciers bilatéraux qui n’ont accordé aucune annulation de dette mais une prolongation des échéances et des  taux d’intérêt plus bas. Si l’accord conclu a été jugé conforme aux objectifs de soutenabilité de la dette du FMI, le  haircut reste relativement limité : il correspond à 840 Mns USD du nominal (autours de 3% du PIB). L’accord implique  une valeur de recouvrement de l’ordre de 70-76%, les intérêts échus cumulés pendant la durée du défaut ont été  ajoutés à la valeur nominale des nouvelles obligations. L’accord comprend des clauses non-financières (dont les détails  précis restent inconnus pour l’instant) parmi lesquelles une clause de rétablissement en cas de défaut renouvelé.  L’accord comprend enfin également une clause d’ajustement sur le Bond B, qui répond à deux conditions et sera  activée si au moins l’une des deux est atteinte (Upside Case dans le tableau qui suit) : 

  • Condition 1 sur la capacité d’endettement (Debt Carrying Capacity ou DCC). L’indicateur est également celui  qui a été retenu par les créanciers bilatéraux dans leur accord. Les termes de l’eurobond B seront révisés si la  capacité d’endettement de la Zambie passe de Faible à Moyen sur deux examens consécutifs. Cet indicateur  est néanmoins complexe car il ne retranscrit pas nécessairement une amélioration des fondamentaux du  pays : il prend en compte un large éventail de variables, y compris la croissance mondiale qui n’est pas  nécessairement corrélés à la capacité de paiement du pays. Par ailleurs, l’indicateur est susceptible d’être  interrompu ou modifié par le FMI. En cas d’interruption ou de discontinuité de l’indicateur, nul ne sait  légalement ce que cela implique pour l’accord de restructuration.  

  • Condition 2 sur les exportations et aux revenus, variables plus étroitement liées à la capacité de paiement de  la Zambie : les termes de l’eurobond B seront revus si la moyenne mobile sur trois ans des exportations en  USD et de l'équivalent en USD des recettes fiscales (avant dons) dépasse les projections du FMI telles qu'elles  figurent dans la 1ère revue de l'accord au titre de la ECF du FMI, publiée en décembre 2023. 


En cas d’activation de cette clause, l'échéance finale de l'obligation B sera raccourcie à 2035 et son coupon passera à  6% à partir de mars 2026 et à 8% à partir de septembre 2031.



Evolution des facteurs de risque 


L’achèvement de la restructuration des eurobonds et de la dette auprès des créanciers permet une amélioration du  profil de crédit du pays avec une réduction significative de l'incertitude auprès des investisseurs et un soutien dans l’avancée du programme FMI dont il bénéficie depuis juillet 2022 et jusqu’au mois d’août 2025. 


Néanmoins, la Zambie continue de présenter un risque de défaut significatif.  D’abord, le soulagement induit par la restructuration reste limité. Les besoins de financement demeurent  considérables à court terme, estimés à plus de 20% du PIB sur 2024/25 et les paiements d'intérêts continueront  d’absorber autours de 30% des recettes publiques en 2024/25. Dans un contexte où les fondamentaux restent fragile,  le pays pourrait à nouveau rencontrer certaines difficultés à se financier et cela impliquera nécessairement un  renforcement du soutien de la part des bailleurs de fonds officiels (multi et bilatéraux). 

Par ailleurs, l'achèvement des négociations avec les créanciers commerciaux reste nécessaire pour apporter une  solution définitive à la crise de la dette de la Zambie : sur la base des dernières données disponibles, la dette publique  extérieure due aux créanciers commerciaux représente au total 3.8 Mds UDS.  


Enfin, le pays fait face à une conjoncture particulièrement dégradée avec la sécheresse inédite à laquelle son  économie fait face. Cette dernière pèse actuellement largement sur les pénuries alimentaires et énergétiques, et sur  l’approvisionnement en devise. Le pays a largement réduit sa production en céréales et en cuivre (qui représente 70%  de ses exportations). Le gouvernement a lancé des plans d'importations et de rationnement coûteux de l'électricité,  pour soutenir des secteurs économiques critiques. La nécessité d'importer davantage d'énergie, combinée à la  réduction des recettes d'exportation du secteur minier en raison des interruptions de production dues aux délestages,  détériorera la balance courante de la Zambie, exerçant une pression supplémentaire sur : 

  • Les réserves de change déjà faibles (3.2 Mds USD de réserves ou 2.6 mois d’importations sur les derniers  chiffres disponibles) compte tenu du déficit désormais attendu sur le compte courant (60.2% du PIB contre un  surplus de +3.7% du PIB initialement attendu en 2024). 

  • Le taux de change avec une parité USD/ZMW en baisse de -12% depuis début février.

  • L'inflation, qui atteint près de +15% en g.a sur les chiffres de mai, au plus haut depuis 2 ans.

  • Les pressions sur le budget dont les ressources limitées sont réaffectées pour remédier aux pénuries alimentaires, pertes d’emplois et financer les importations. Un plan de dépenses additionnel de l’ordre de 1.6  Mds USD est en cours d’élaboration. 


L’ensemble de ces éléments pourrait empêcher une baisse significative du ratio d’endettement cette année. Ce ratio  est estimé autour de 115% en 2023 et pourrait se maintenir autour de 110% d’ici fin 2024. 


Le manque à gagner lié à la situation est estimé autour de 900 Mns USD (3% du PIB). Les autorités envisagent de les  couvrir grâce à l’aide des bailleurs de fonds internationaux. Une partie sera fournie par rallongement du programme FMI pour l’équivalent de 300 Mns USD. En parallèle, le gouvernement serait parvenu à recevoir des promesses  totalisant environ 500 Mns USD de la part de partenaires bilatéraux. 


L’agence Moody’s a amélioré la notation du pays de Ca à Caa2 tandis que les agences S&P et Fitch l’ont maintenue en  défaut. 


Opinion sur les eurobonds : l'échéancier d'amortissement du principal relativement rapide (duration < 3) du Bond A  réduit significativement le risque inhérent. Le Bond B intègre une probabilité importante (autour de 50%) d'activation  du trigger mentionné plus haut. 


Perrine GUERIN 



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