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Ethiopie – Avancées majeures dans la restructuration de la dette



Contexte


 Plus de trois ans après avoir sollicité le Cadre Common du G20 pour restructurer sa dette, l’Ethiopie obtient finalement l’accord du FMI nécessaire à l’avancée du processus. La restructuration de la dette éthiopienne n’est pas encore finalisée à ce stade. Néanmoins, elle pourrait être relativement plus facile que pour la Zambie ou le Ghana car le défaut éthiopien est davantage le symptôme d’une crise de liquidité externe que d’une situation structurelle d’insolvabilité. 



Actualités


Accord de financement du FMI 


Le FMI a récemment ouvert la voie à la restructuration de la dette de l’Ethiopie en approuvant une facilité de crédit élargie (ECF) sur 4 ans, jusqu’à 2028. Cet accord représente une étape décisive pour l’Ethiopie. 

Premièrement, l’accord du FMI représente un soutien financier important avec un soulagement immédiat en termes de besoins de liquidité. 


Structurellement dépendant du soutien financier international, le retrait de bailleurs des fonds en 2020 a significativement impacté le pays qui n’a pas été en mesure de faire face au double choc résultant de la guerre civile dans la région du Tigré et de la pandémie. Sur la période du programme ECF et pour parvenir à reconstituer son stock de réserves en devises, l’Ethiopie affiche un déficit de financement de 10.7 Mds USD ou 7% du PIB (graphique 1). L’enveloppe du FMI comblera 3.4 Mds USD du total, avec 1 Md USD déboursés dès à présent. En parallèle, la Banque Mondiale a approuvé une aide de 1.5 Mds USD qui s'ajoute aux 2 Mds USD de financement concessionnel accordés chaque année par l’agence de développement de l’institution. Ces financements permettront faire face aux besoins de liquidité immédiats du pays dont les réserves en devises représentent actuellement moins d’un mois d’importations. 


En parallèle, le pays s’est engagé à poursuivre réformes d’envergures qui visent améliorer structurellement la couverture des besoins de financement au-delà de la période du programme

La banque centrale éthiopienne (BNE) a amorcé la libéralisation de son taux de change et laissé se déprécier sa devise, le birr (ETB), de 30% par rapport au USD (graphique 2). Cette mesure met fin au strict contrôle des changes qui surévaluait artificiellement la monnaie. Cette distorsion du change est précisément à l’origine déséquilibres sur la balance des paiements qui a amené le souverain au défaut en novembre 2023. La libéralisation du taux de change s’accompagne d’une réforme de la politique monétaire pour un meilleur cadrage de l’inflation en passant par le canal conventionnel des taux d’intérêt. Jusqu’à présent, les mesures de la BNE pour lutter contre l’inflation consistaient principalement à plafonner la croissance du crédit bancaire, ainsi qu’à diminuer les avances directes de la banque centrale au gouvernement (i.e. réduire la monétisation du déficit budgétaire). 


Enfin, l’accord FMI pose les bases du périmètre de restructuration de la dette de l’Ethiopie. 

Le pays a sollicité le Cadre Commun du G20 dans cet objectif en février 2021. Les négociations n’avait jusqu’à présent pas évolué car ce cadre exige que le pays bénéficie du soutien financier du FMI, qui définit l’enveloppe de la restructuration et l’allègement nécessaire pour assurer la soutenabilité de la dette. L’analyse du FMI finalement réalisée indique que l'Éthiopie aurait besoin d'un allègement de la dette d’au moins 3.3 Mds USD sur 2025/28 pour retrouver des ratios soutenables et combler les besoins de financement extérieurs. Récemment, les créanciers bilatéraux ont donné l'assurance qu'ils restructureront leurs prêts à l'Ethiopie d'une manière conforme aux exigences du FMI. 


Restructuration de la dette 


La prochaine étape décisive pour l’Ethiopie consistera à trouver un accord de restructuration de sa dette avec ses créanciers extérieurs. 


Les négociations se tiendront conformément aux principes du Cadre Commun qui exige une comparabilité de traitement entre créanciers : l’ensemble des créanciers sont tenus d’accorder des conditions de restructuration de la dette comparables en termes i) d’allègement nominal du service de la dette sur la période du programme du FMI, ii) de prolongation de la durée des créances et iii) réduction du stock de dette en valeur actuelle. 


La dette publique extérieure de l’Ethiopie représente actuellement environ 18% du PIB ou 29 Mds USD. De ce montant, la dette multilatérale ne sera pas réaménagée, car contractée à des conditions concessionnelles. Les créanciers bilatéraux devront eux réaménager près de 8 Mds USD de créances à l’Ethiopie (graphique 3). De ce montant, la Chine détient 7 Mds USD de dette (25% de la dette publique extérieure et près de 90% de la dette bilatérale) avec un service qui représente autours de 30% du total. La Chine détient également une partie importante des créances privées (autours de 6% de la dette extérieure) à travers ses banques commerciales. Son rôle sera donc essentiel dans l’avancée des négociations. Les eurobonds représentent seulement 1 Md USD (3.5% du stock de dette publique extérieure) avec un seul titre actuellement en circulation. Ce dernier a été émis en 2014 avec une maturité de 10 ans et un coupon à 6.625%. Les paiements sur l’obligation ont été interrompu en novembre 2023. 


La restructuration de la dette vise à faire baisser les ratios de soutenabilité en dessous de ceux recommandés par le FMI : l’état des ratios de soutenabilité de la dette de l’Ethiopie implique davantage un allègement du service de la dette et/ou un allongement de la maturité des créances car l’enjeu consiste principalement à réduire la pression sur la liquidité. 


Le stock de dette publique, autours de 36% du PIB est limité et en ligne avec la capacité d’endettement du pays. A titre de comparaison, la dette publique était de 88% du PIB au Ghana et 140% en Zambie au moment de leur défaut respectif. Le problème majeur réside dans les indicateurs de liquidité avec un service de la dette supérieur aux seuils recommandés et attendu en hausse sur les années à venir et un manque important de devises du à la faiblesse de ses exportations: en l’absence de restructuration, le service de la dette pourrait atteindre près de 18% des exportations (contre une limité fixée à 10%) et 16.3% des revenus (contre une limitée fixée à 14%) en 2028. Avec l’objectif d’une économie de 3.3 Mds USD sur le service de la dette sur 2025/28, les ratios de liquidité de la dette seront en ligne avec les seuils du FMI d’ici 2028. 


Evolution des facteurs de risque


L’actualité récente permet d’envisager une amélioration significative du risque de crédit associé au souverain éthiopien. 

D’abord, la pénurie en devises devrait être comblée à court terme et donc des pressions moindres sur la balance des paiements. 


Les financements annoncés jusqu’à présent indiquent que les besoins seront comblés pendant la phase de réformes transitoire. L’effet de la baisse de la devise sur l’inflation devrait être atténuée par des mesures budgétaires temporaires (subventions et transferts à la population) afin d’atténuer le choc sur le pouvoir d’achat de la population et prévenir le risque de troubles sociaux, tel qu’observé actuellement au Kenya ou au Nigéria. 


Par ailleurs, l’Éthiopie devrait parvenir relativement rapidement à un accord sur la restructuration de sa dette extérieure, dont les pertes associées devraient rester limitées. 


Le FMI a fixé aux autorités éthiopiennes l’objectif d’obtenir un accord de restructuration d’ici la deuxième revue du programme ECF, prévue le 10 décembre prochain. Les négociations avec les créanciers officiels bilatéraux semblent également déjà bien avancées. L’Éthiopie bénéfice actuellement d’un accord intérimaire de suspension du service de sa dette bilatérale (depuis août 2023 avec la Chine et novembre 2023 avec les créanciers du Club de Paris), susceptible de jeter les bases de la restructuration dont on attend principalement une prolongation de la durée. Le principal créancier, la Chine, s'est montré historiquement disposé à accorder des allègements de la dette en devise principalement sous la forme de prolongation de la durée de ses prêts. Dans le cas du prêt sur le chemin de fer Addis- Djibouti par exemple en 2018, la Chine a accordé extension de la maturité de 20 ans aux autorités éthiopiennes. 


Contrairement aux précédentes restructuration, la structure de la dette de l’Ethiopie est relativement peu complexe avec un nombre limité de créanciers privés et un seul eurobond. Avant que le pays fasse défaut en 2023, une proposition de reprofilage préventif de l’eurobond avait été soumis aux autorités éthiopiennes, visant à prolonger l'échéance et étaler les paiements d’intérêts jusque 2030. Si la proposition n’avait pas abouti car elle contournait certains principes du Cadre Commun, elle pourrait constituer la base de la nouvelle proposition de reprofilage. En parallèle, une décote de 20% de la valeur nominale de l’obligation a été mentionnée par le ministre des finances Ethiopien (la décote était de 37% sur les eurobonds ghanéens et de 18% sur les eurobonds zambiens). En concédant une réduction de la valeur du titre, les détenteurs d’eurobond seraient néanmoins susceptibles d’obtenir une prolongation moins importante des intérêts et du principal et donc s’assurer un remboursement plus rapide. 02/08/2024 3 


Commentaire de gestion et positionnement


Notre évaluation du profil de risque du souverain a été ajustée avec la prise en compte des éléments de réformes qui ont été amorcés. Le pays autrefois dans notre liste d’exclusion est désormais investissable

Suite à l’accord avec le FMI, l’eurobond Ethiopien 6.625% 11/12/2024 a connu une hausse importante et traite aujourd’hui autour de 79% du nominal (graphique 4). 



Perrine GUERIN 

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